Les appâts à base d’insectes : la bouillette de génération 4.0
Terrain d’imagination, la bouillette a révolutionné la pêche de la carpe. Des toutes premières créations en passant par les différents échecs et réussites, nous retraçons son évolution jusqu’à élaborer ce que sera la génération 4.0.
Sommaire
1. Introduction
2. La genèse de la bouillette (années 60 et 70)
3. Génération 1.0: les bouillettes HVN à base de protéines de lait (années 70 et 80)
4. Génération 2.0 : les bouillettes à base de farines végétales (années 90)
5. Génération 3.0: les bouillettes BNV (Balanced Nutritional Value) à base de protéines de poisson (années 2000)
6. Génération 4.0: les bouillette BNV à base de protéines d’insectes (années 2020)
7. Conclusion
1. Introduction
Les bouillettes sont, avec l'invention du cheveu, l'une des révolutions majeures dans le domaine de la pêche de la carpe. Leurs succès respectifs sont d'ailleurs étroitement liés. Grâce à l'imagination débordante des carpistes, cet appât exceptionnel n'a cessé de s'améliorer au fil des décennies. Dans cet article, nous retracerons les différentes phases de son évolution et nous vous expliquerons pourquoi nous croyons fermement que la prochaine génération, encore plus performante, sera à base d'insectes.
1. La genèse de la bouillette (années 60 et 70)
Dans les années soixante et au début des années soixante-dix, les pêcheurs utilisaient une sorte de pâte pour pêcher la carpe. Celle-ci était efficace pour attirer les poissons, mais avait un handicap majeur : elle avait du mal à rester correctement en place sur la ligne et rendait la pêche fastidieuse en obligeant des lancers fréquents afin de s’assurer d’avoir toujours un appât actif. De plus, ces pâtes étaient tellement attractives qu’elles attiraient toutes sortes de poissons qui les fragilisaient et réduisaient encore le temps de maintien sur l’hameçon.
Fred Wilton, qui est communément reconnu comme l'inventeur de la bouillette moderne, a eu l'idée non pas de pêcher avec ces pâtes crues, mais de les ébouillanter rapidement afin de créer une enveloppe protectrice qui, en durcissant, devenait solide : les premières bouillettes étaient nées, et la révolution pouvait commencer.
2. Génération 1.0: les bouillettes HVN à base de protéines de lait (années 70 et 80)
Fred Wilton ne s'est pas contenté d'utiliser n'importe quelle type de pâte ; sa contribution à l'invention des bouillettes est bien plus importante. En effet, il a théorisé le concept des appâts HNV (High Nutritional Value).
L'idée de départ était d'offrir dans un appât unique tout ce dont la carpe avait besoin dans son alimentation (protéines, matières grasses, minéraux, etc.). Si la carpe trouvait de quoi satisfaire ses besoins nutritionnels dans cet appât artificiel, elle continuerait alors de s'en nourrir et se détournerait de sa nourriture naturelle, bien plus difficile à trouver en quantité.
De cette théorie est née toute une génération de bouillettes à haute valeur nutritive. Pour concrétiser cette approche, les carpistes se sont empressés de fabriquer des bouillettes à partir de protéines de lait. Par HNV, beaucoup ont imaginé à tort que Fred Wilton voulait, en fait, parler d'appâts à haute teneur en protéines. La course était donc lancée pour créer les recettes ayant les plus forts taux de protéines.
Les recettes de l'époque, qu'un carpiste de la génération des années deux mille ne comprendrait même pas, sont en effet d'une toute autre structure que les bouillettes modernes. Les ingrédients phares étaient alors, par exemple, parmi tant d'autres : la caséine acide, le caséinate de sodium ou de calcium, la lactalbumine. Le taux de protéines des appâts de l'époque dépassait parfois les 70 % !
La pratique en conditions réelles a montré rapidement que cette approche était largement décevante et a surtout causé la mort de nombreuses carpes au Royaume-Uni. Ces apports massifs de protéines lactiques ont engendré chez les poissons des maladies du foie.
En fait, rétrospectivement, cet échec n'est pas l'échec des bouillettes HNV, mais de la compréhension qui en a été faite à l'époque. L'erreur fut d'élaborer des recettes sur la vision simpliste selon laquelle HNV équivalait à un taux de protéine maximal.
Fred Wilton avait plutôt imaginé le concept HNV comme un appât équilibré, alors que les bouillettes fabriquées à partir de protéines de lait ne l'étaient pas. De plus, leurs coûts de fabrication étaient extrêmement élevés, ce qui a contribué à leur disparition complète.
4. Génération 2.0 : les bouillettes à base de farines végétales (années 90)
Face au constat d'échec des bouillettes à base de protéines de lait, celles-ci ont été rapidement abandonnées, et de nouveaux carpistes venus une fois encore du Royaume-Uni ont développé une nouvelle approche.
Leur vision était que les appâts ne devaient pas nécessairement avoir pour objectif de nourrir les poissons, mais de les attirer, ce qui en soi est tout à fait juste. Notre but premier en tant que carpiste n'est pas de nourrir les poissons, mais bien de les pêcher.
C'est à cette époque que les appâts dits "crap baits" ont vu le jour. Les recettes ont été grandement simplifiées par rapport à la génération précédente. Fabriquées à partir d'une base de farines végétales très simples, telles que la farine de maïs, de soja, et la semoule de blé, ces recettes étaient à l'opposé des HNV, très pauvres en protéines mais un peu mieux équilibrées car riches en glucides et en graisses.
Cependant, cette base n'était pas l'élément clé des compositions de l'époque ; elle était vue comme un moyen de véhiculer toutes sortes d'attractants divers et variés ainsi que des arômes.
C'est véritablement dans les années 90 que l'essor des bouillettes a vu le jour, et les nouvelles recettes, constituées d'ingrédients peu coûteux et disponibles, ont inondé le marché qui était lui-même en forte croissance, avec de plus en plus de pêcheurs se lançant à la traque de la carpe.
Cette nouvelle approche a stimulé l'imagination débordante des carpistes pour créer toutes sortes de recettes en ajoutant ici et là des épices, des sucres, des stimulateurs d'appétits, et surtout des arômes.
Ces derniers sont devenus le point central des bouillettes de cette génération, avec des grands classiques comme les parfums fraise ou banane qui ont fait la joie de nombreux carpistes, mais aussi avec des goûts plus originaux comme les fameux scopex, monster crab, ou encore chocolat malt, tous inventés par le célèbre Rod Hutchinson. Ce sont au final plusieurs centaines de parfums qui ont dû être essayés dans toute l'Europe.
D'autres additifs et produits iconiques sont apparus avec cette génération de bouillettes, avec l'apparition des sweetners, de l'aquamino Catchum, ou encore des premiers mélanges dits 50/50 à rouler des frères Mahin.
Même si les bouillettes végétales "boostées" aux arômes ont été indiscutablement efficaces, en tous cas bien plus que celles à base de protéines de lait, la pression de pêche de plus en plus forte au Royaume-Uni a entamé ces bons résultats, et les pêches y sont devenues de plus en plus difficiles et moins productives.
Nos amis anglais, toujours à la recherche d'innovations et de meilleurs résultats, ont délaissé ces "crap baits" et ont remis sur le métier la fameuse théorie des bouillettes HNV, mais cette fois-ci avec une meilleure compréhension et une approche plus intelligente.
5. Génération 3.0: les bouillettes BNV (Balanced Nutritional Value) à base de protéines de poisson (années 2000)
Cette nouvelle génération d'appâts est finalement l'aboutissement des deux précédentes. Forts du constat d'échec des HNV lactiques et de la perte d'efficacité des bouillettes végétales, une troisième génération d'appâts a vu le jour à la fin des années quatre-vingt-dix et au début des années deux mille.
Les carpistes d'outre-Manche ont retravaillé le concept de Fred Wilton en créant des mélanges riches en protéines, mais cette fois-ci bien équilibrés autour d'une base de farines de poissons et plus généralement de farines dites carnées, comme celle de foie, par exemple. Donnant naissance au concept des bouillettes à valeur nutritionnelle équilibrée (BNV en anglais).
L'avantage de ces farines, qui se roulent très bien, est qu'elles sont riches non seulement en protéines, mais aussi en acides gras et en acides aminés. Ces derniers rendent les protéines beaucoup plus digestes, et cela change tout.
La première génération de bouillette construite sur des farines lactiques n'était pas digeste, la deuxième génération basée sur des farines végétales n'était pas suffisamment nutritive, la troisième génération apportera une solution à ces deux problèmes.
C'est vraiment à partir de ce moment-là que l'on a commencé à avoir des bouillettes de qualité digne de ce nom (attractives et nutritives) qui répondaient à de nombreuses situations. Leur richesse nutritive a permis des amorçages de longue durée sans que les carpes ne s'en détournent, ce qui n'était (et n'est) pas le cas avec les "crap baits" basés sur des farines végétales.
De plus, les bouillettes carnées sont très attractives grâce notamment à leurs acides aminés, qui, on le sait maintenant, jouent un rôle crucial dans la détection par les carpes de leur nourriture.
Ces nouvelles bouillettes ont contribué à la capture d'innombrables spécimens et à obtenir des résultats réguliers dans le temps et dans tous les types d'eaux, que ce soit les étangs, les gravières sauvages, les fleuves ou les grands lacs.
Le nombre important de farines carnées (poissons, crustacés, viandes, etc.) disponibles a de nouveau stimulé la créativité des fabricants, mais aussi des carpistes roulant leurs propres bouillettes.
Aujourd'hui encore, les farines animales dominent le marché et permettent une combinaison efficace avec des farines végétales, mais aussi lactiques, qui trouvent toute leur efficacité à des doses faibles en additifs et non pas en ingrédients principaux.
6. Génération 4.0: les bouillette BNV à base de protéines d’insectes (années 2020)
Aujourd'hui, fort de l'expérience réussie avec les farines carnées et de la supériorité sans partage des appâts BNV, c'est cette fois-ci d'Europe continentale et non plus d'Angleterre que vient le changement.
rod oliver propose une nouvelle génération de bouillettes construites sur ces mêmes équilibres, mais en utilisant de nouveaux ingrédients encore plus efficaces : les insectes. rod oliver est la première société à créer toute une gamme de produits autour de cet ingrédient signature.
Notre idée s'est construite sur de nombreuses études scientifiques sur le comportement alimentaire de la carpe. Toutes montrent que la carpe est certes un poisson omnivore, mais qui est avant tout carnivore et dont la première source d'alimentation sont les petits invertébrés et les insectes.
Ces derniers sont non seulement une source naturelle, mais transformés en farine, ils apportent un profil nutritionnel amélioré encore plus équilibré que les farines de poissons et autres farines carnées de la troisième génération.
En effet, les farines d'insectes et plus particulièrement celle de mouches noires soldat possèdent des taux de protéines comparables aux farines de poissons, mais sont plus digestes grâce à leur profil d'acides aminés incomparable. Les farines d'insectes apportent aussi une réponse à la problématique de l'utilisation des farines animales qui ont un impact négatif sur notre environnement et épuisent nos ressources marines.
Nous sommes convaincus qu'à la suite du succès des appâts de troisième génération (à base de farines animales), les bouillettes à base d'insectes seront celles qui vont à leur tour révolutionner l'utilisation des bouillettes pour les années deux mille vingt.
Naturellement attractives, offrant une capacité de diffusion accrue grâce à l'hydro-solubilité des protéines d'insectes et avec un profil nutritionnel idéal, elles offriront aux carpistes modernes un appât de choix pour faire face aux conditions de pêche les plus difficiles tout en préservant l'environnement.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard que de nombreuses sociétés spécialisées dans l'aquaculture utilisent de plus en plus des protéines d'insectes en substitution des farines de poissons. Cette évolution deviendra la norme dans les années à venir, appuyée par la multitude d'études scientifiques publiées sur le sujet.
Pour composer nos recettes riches en insectes, nous avons sélectionné une farine de larves de mouche noire (black fly soldier) et le meilleur birdfood insect du marché actuellement. Ce dernier est composé à plus de 50% d'insectes, mais aussi de gammares et de daphnies dont les carpes sont très friandes. Ce birdfood prend le format d'une pâtée grasse et sucrée, il est aussi très riche en minéraux. Notre farine de larve de mouche noire est issue des meilleures productions en Europe. La mouche soldat noire est capable de se développer sur une diversité de substrats en décomposition, les larves convertissent les déchets de faible valeur en protéines de haute qualité, ce qui fait que tout le processus s'inscrit de façon circulaire et vertueuse.
Une fois obtenue, cette farine est dégraissée afin de la rendre optimale avec un taux de lipides d'environ 12%. Sur le plan nutritionnel, en plus des protéines, les mouches sont riches en vitamines, en minéraux, acides aminés et en acides gras, elles contiennent par ailleurs des micro-nutriments (cuivre, fer, magnésium...) et sont bien pourvues en calcium.
Cet ensemble d'ingrédients nous permet de diviser par deux ou trois l'utilisation dans nos bouillettes des farines animales, mais aussi celles de soja, par exemple (qui est une véritable catastrophe écologique notamment pour les réserves en eaux, les émissions de CO2 et la déforestation), et de ne conserver que les meilleures pour une utilisation en additif, comme avec la farine de poisson prédigérée, celle de thon, certains extraits marins ou encore les hydrolysât de foie que nous avons ajoutés en complément dans nos recettes.
Les bouillettes à base d'insectes sont, nous en sommes convaincus, en tous points supérieures à celles élaborées avec des farines végétales
mais surtout elles offrent un profil nutritionnel sans égal. Les bouillettes carnées à base de farines de poissons ou de foie, par exemple, sont celles qui offrent la meilleure comparaison en termes de qualité, mais elles n'ont pas totalement ce côté naturel contrairement aux bouillettes à base d'insectes.
7. Conclusion
Depuis son invention dans les années soixante-dix, la bouillette telle que nous la connaissons aujourd'hui a subi une évolution spectaculaire.
D'échecs en réussites, cet appât a complètement changé la façon de pêcher les carpes et a sans aucun doute fait de notre loisir l'une des pêches les plus pratiquées en Europe.
De sa genèse avec les protéines de lait, en passant par les bases végétales gorgées d'arômes et d'attractants en tous genres jusqu'à l'aboutissement qualitatif des carnées, les carpistes ont su les faire évoluer à chaque nouveau défi.
Aujourd'hui, nous voulons apporter notre modeste pierre à l'édifice en démocratisant la version 4.0 de la bouillette. Avec les enjeux environnementaux et l'épuisement des ressources, l'alimentation à base d'insectes est l'avenir de l'aquaculture, mais aussi, au travers des bouillettes, le futur de la pêche de la carpe de cette décennie.
Il ne nous reste plus qu'à vous souhaiter une bonne pêche.
À bientôt.
rod oliver